Valeur probatoire d’un document

De la conservation d’un document au maintien de sa valeur probante

La force probante (ou probatoire) est une valeur intrinsèque à tout document quel qu’il soit. Elle est liée (et proportionnelle) à l’information engageante que porte le document. Aussi loin dans le temps que l’on puisse remonter, l’archivage n’a jamais consisté à attacher ou à donner une valeur probatoire à un document, mais bien à conserver cette dernière. Ce sont donc les pratiques mises en œuvre pour cette conservation qui garantissent que le document n’a pas été altéré et, donc, que sa force probante est toujours la même qu’au premier jour de son versement en tant qu’archive.

De nos jours, la dématérialisation est non seulement monnaie courante, mais elle est même à l’origine de la totalité des documents produits, hormis ceux encore manuscrits (au sens « écrits à la main ») comme par exemple un chèque ou une feuille de renseignements. Dans ce foisonnement d’informations de toute sorte générées chaque jour, une partie seulement devra être figée et conservée durant une période donnée (variant de quelques jours ou heures – même moins – à plusieurs dizaines d’années, voire ad vitam, selon les obligations légales et règlements en cours et/ou les enjeux portés par ces documents).

Critères de conservation de la valeur probante des documents

Les moyens de conservation électroniques, tels que les coffres-forts numériques, répondent aux critères suivants indispensables à la conservation de la valeur probante de ces documents :

  • La pérennité : garantie par une écriture en de multiples exemplaires d’un même document,
  • L’intégrité : garantie par l’utilisation de signatures électroniques qualifiées au sens du Règlement européen eIDAS,
  • La sécurité : garantie par un contrôle restreint des accès tant physiques qu’informatiques et la protection des locaux (détection incendie, intrusion etc.),
  • La traçabilité : garantie par l’écriture dans des journaux, eux-mêmes archivés, de toute action effectuée sur un document (consultations, contrôles, déplacements, changements de format etc.),
  • La lisibilité : garantie par l’emploi de formats de conservation non propriétaires,
  • La disponibilité : garantie par des plans de continuité ou de reprise d’activité en cas de défaillance du système principal.

Présomption de fiabilité du document

Un faisceau de preuves nécessaire :

“ Mais quel est l’enjeu principal qui nous oblige à devoir mettre en place de telles « usines à gaz » pour garantir la conservation de cette force probante ? ”

Le plus important de tous est de pouvoir à tout moment présenter la preuve qu’un document conservé dans de tels systèmes complexes n’a subi aucune modification durant tout son temps de conservation (à tout le moins, que l’information engageante qu’il porte n’a été altérée d’aucune manière que ce soit – voir remarque ci-dessous).

 

“ Mais est-ce suffisant ? ”

Eh bien… non ! Il faut aussi pouvoir indiquer qui est à l’origine de ce document. Cela s’appelle l’imputabilité. L’article 1316-1 du Code civil l’indique clairement : « L’écrit sous forme électronique est admis en preuve […] sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane […] ». Cela implique que le versement d’un document dans un système de conservation doit être fait selon des règles strictes et bien encadrées afin que le déposant soit non seulement reconnu par ce système, mais surtout autorisé à y accéder (n’importe qui ne doit pas pouvoir déposer n’importe comment, dans n’importe quel système de conservation).

 

“ Ai-je tous les éléments pour démontrer que mon document est bien un original et que sa valeur probante n’a pas été modifiée ? ”

Presque ! Présenter le document électronique seul, voire l’imprimer, est loin d’être recevable ; surtout en justice ! Bien que le Règlement européen eIDAS introduise la notion de « renversement de la preuve » (un document – électronique – est présumé fiable jusqu’à preuve du contraire – supposé être présentée par la partie adverse), il faut l’étayer avec tout ce qui démontre que sa conservation a été effectuée dans des conditions garantissant son intégrité pendant tout son cycle de vie dans le système de conservation.

Pour cela, l’attestation de dépôt générée par le système de conservation (au moment du versement), ainsi que les diverses traces des opérations effectuées sur ce document contribuent à renforcer cette présomption. Du plus, dans certaines situations, il peut être exigé de démontrer l’existence dudit document à partir d’une date donnée, ce que l’attestation de dépôt peut apporter lorsque le système de conservation effectue un horodatage qualifié (au sens du Règlement européen eIDAS) sur ledit document au moment de son dépôt. Ainsi, au plus tôt un document est conservé, au plus tôt son existence est avérée.

L’ensemble de ces divers éléments complémentaires contribuent à la présomption de fiabilité du document, ainsi qu’à garantir l’inviolabilité de sa force probante, ce tout formant le fonds de preuves concourant aux critères d’authenticité, d’imputabilité, d’intégrité, voire d’existence à une date donnée.

La conservation de la force probante d’un document est un enjeu majeur et revêt une importance capitale lorsque celui-ci doit être présenté en justice. Des systèmes de conservation tels que des coffres-forts numériques apportent une solution simple pour l’utilisateur final.

 

Remarque concernant l’inaltération d’un document :

Dans le domaine de la conservation électronique, il est conseillé au déposant de fournir ses documents dans un format de conservation pérenne, c’est-à-dire non propriétaire, ouvert et disposant d’une description publique et accessible afin de pouvoir réécrire, en cas de besoin, un outil de lecture permettant de rétablir la lisibilité et l’intelligibilité (au sens de l’article 1316 du Code civil) dudit document.

L’archiveur peut, dans certains cas rares, être amené à changer le format de conservation d’un document pour des raisons de pérennité. Ce changement de format s’effectue en accord avec le propriétaire du document vers le nouveau format dans lequel l’information engageante dudit document est conservée (la valeur probante du document ne change pas).

 

Par exemple, si le sens du texte conservé se suffit à lui-même, indépendamment de sa mise en page (typographie, couleurs, présentation du texte), alors l’emploi d’une police de caractères différente (dans le nouveau format de conservation) ne changera pas le sens du texte conservé (dans l’ancien format) et, donc, sa valeur probante intrinsèque. Dans d’autres cas, si cette même mise en page contribue à la compréhension globale du texte, alors celle-ci devra être reportée, d’une façon ou d’une autre, vers le nouveau format (sinon, une partie de l’information serait perdue et, donc, sa valeur probante altérée, voire définitivement perdue).

 

L’inaltération d’un document porte essentiellement sur le sens de l’information embarquée et conservée dans et par celui-ci. Un changement de format de conservation, s’il peut être vu comme une modification du point de vue purement informatique (l’ancien fichier et le nouveau fichier sont bien deux fichiers différents), ne sera pas considérée comme telle pour l’information embarquée par le document si tous les éléments de preuve et de traçabilité des opérations effectuées sont aussi conservées.

 

Dans la pratique, la migration de format est très peu usitée (surtout si le document a été versé dans un format pérenne et reconnu) ; s’il est amené à le faire, l’archiveur prendra la précaution supplémentaire de continuer à conserver le document original primo-déposé.

 

 

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